Demain a 14h se tiendront au Conseil dEtat deux audiences decisives sur la loi renseignement et sur le regime de conservation generalisee des donnees de connexion. Ces deux contentieux ont ete engages il y a bientot trois ans par La Quadrature du net, FDN et FFDN avec le soutien des Exegetes amateurs. Ces affaires pourraient bien connaitre la conclusion esperee.
Venez avec nous assister a laudience !
Avant de voir lenjeu precis de laudience de demain, revenons sur ces trois riches annees de procedure, deja cousues de quelques belles victoires et des centaines de pages ecrites par les Exegetes amateurs contre une dizaine de textes differents.
A lattaque de la loi renseignement
Il y a trois ans, le 24 juillet 2015, la loi renseignement etait publiee. Elle venait detre examinee une premiere fois par le Conseil constitutionnel, devant qui nous avions produit de nombreux arguments en partie suivis par le Conseil pour, deja, censurer certaines parties de la loi.
Voir lamicus curiae que nous produisions contre la loi devant le Conseil constitutionnel
Deux mois apres, une serie de decrets etaient adoptes pour appliquer cette loi : ces decrets nous offraient lopportunite, en les attaquant devant le Conseil dEtat, de contester la loi dans son ensemble.
Cest donc deux mois plus tard que, le 30 novembre 2015, La Quadrature du Net, FDN et FFDN deposaient leur requete introductive , qui conduira a laudience de demain.
Voir lensemble des ecritures produites dans cette affaire sur le site des Exegetes amateurs
Quatre mois apres, le 6 mai 2016, nous soulevions une question prioritaire de constitutionnalite (QPC) : nous invitions le Conseil dEtat a demander au Conseil constitutionnel si la loi renseignement violait la Constitution lorsquelle prevoyait un regime de surveillance generalisee des communications empruntant la voie hertzienne (ce qui veut a peu pres tout dire).
Six mois plus tard, le 21 octobre 2016, nous gagnions cette manche : cette partie de la loi etait censuree !
Voir la decision du Conseil constitutionnel censurant la surveillance hertzienne
Toutefois, nous avions formule bien dautres arguments contre la loi renseignement. Le Conseil dEtat, devant qui le reste de laffaire etait revenue, devait encore les examiner.
Pendant un an et huit mois, nous sommes restes sans nouvelles du Conseil dEtat et pensions quil avait oublie laffaire
Il y a douze jours, apres quasiment deux annees de silence, le Premier ministre et le ministere de linterieur ont subitement envoye des arguments pour defendre la loi.
Cinq jours plus tard, sans crier gare, le Conseil dEtat a fixe une date daudience (demain), qui marquera la fin des debats. Il ne nous laissait ainsi quune poignee de jours pour contre-attaquer.
Voir notre dernier memoire en replique depose ce matin par Patrice Spinosi, lavocat qui nous represente devant le Conseil dEtat dans cette affaire
Un probleme de conservation generalisee
La loi renseignement nest pas ici le seul probleme. Elle sajoute a un regime distinct qui, en France et depuis sept ans, impose aux operateurs telephonique et Internet, ainsi quaux hebergeurs de contenus en ligne, de conserver pendant un an des donnees de connexion sur lensemble des utilisateurs (qui parle a qui, dou, avec quelle adresse IP, etc.). Les services de renseignement peuvent ainsi acceder, pendant un an, aux donnees concernant toute la population.
Il nous fallait aussi, en parallele, attaquer cette conservation generalisee.
Il y a quatre ans, en avril 2014, la Cour de justice de lUnion europeenne rendait une decision capitale dans laffaire Digital Right Ireland . Elle annulait une directive europeenne qui, depuis 2006, imposait un meme regime de conservation generalisee dans toute lUnion. Pour la Cour, la Charte des droits fondamentaux de lUnion europeenne sopposait a une telle surveillance qui, par definition, considere comme suspecte lensemble de la population.
Voir la decision du 4 avril 2014 de la Cour de justice
Il y a trois ans, le 1er septembre 2015, La Quadrature du Net, FDN et FFDN saisissaient cette occasion pour contester le regime de conservation generalisee en droit francais devant le Conseil dEtat, dans une affaire en parallele a celle contre la loi renseignement.
Voir lensemble des ecritures produites dans cette affaire sur le site des Exegetes amateurs
Dix mois plus tard, en juin 2016, le ministere de la justice envoyait ses arguments pour defendre la conservation generalisee. Ici encore, le gouvernement restera ensuite muet pendant deux ans.
Toutefois, entre-temps, il y a dix-huit mois, le 21 decembre 2016, la Cour de justice rendait une autre decision determinante dans laffaire Tele2 Sverige . Interrogee par des juges suedois et anglais, elle avait reconnu que les lois de ces deux pays, qui prevoyaient une conservation generalisee des donnees de connexion, violaient elles-aussi la Charte de lUnion.
Voir larticle des Exegetes amateurs analysant larret Tele2
Cest exactement la solution que nous recherchions depuis le debut : nous demandons au Conseil dEtat, a linstar des juges suedois et anglais, dinterroger la Cour de justice de code promo mytranssexualdate lUnion europeenne sur la validite de notre regime.
En effet, depuis dix-huit mois, le droit francais viole le droit de lUnion en refusant dabroger son regime de conservation generalisee, ce que la Cour de justice impose pourtant de facon evidente.
Lire la tribune des Exegetes amateurs publiee sur Liberation
Il y a vingt jours, le Premier ministre sortait enfin de son silence de deux ans pour defendre la loi francaise. Comme pour laffaire sur la loi renseignement, le Conseil dEtat a fixe laudience pour demain.
Voir notre dernier memoire en replique depose aujourdhui
Demain, cest donc la voie pour mettre fin a lincoherence du droit francais qui, enfin, semble souvrir.
Le debat passe au niveau europeen
Il y a quinze jours, nous lancions une campagne europeenne pour pousser la Commission europeenne a agir contre les dix-sept Etats membres de lUnion europeenne qui, comme la France, violent le droit de lUnion en maintenant un regime de conservation generalisee des donnees de connexion.
Dans le meme temps, depuis un an, les gouvernements europeens dont le gouvernement francais tentent difficilement de modifier le droit europeen pour contourner la jurisprudence de la Cour de justice. Cest notamment ce a quoi La Quadrature du Net soppose dans les debat sur le reglement ePrivacy.
Face a ces nombreuses et vives difficultes, il semble que le gouvernement francais, dos au mur, renonce enfin a fuir le debat.
Apres deux annees de silence, dans ses toutes dernieres ecritures, le Premier ministre a admis que, dans les deux procedures que nous avons engagees devant le Conseil dEtat, il serait utile dinterroger la Cour de justice sur la validite de la conservation generalisee francaise. Sans doute espere-t-il convaincre la Cour de revenir sur ses decisions passees, pour les contredire : nous acceptons ce debat car, de notre cote, nous esperons convaincre la Cour deloigner encore plus fermement la surveillance de masse !
Ce matin, le rapporteur public du Conseil dEtat (charge dassister ce dernier dans la prise de ses decisions) a indique que, lors de laudience de demain, il comptait conclure en faveur de la transmission dun tel debat a la Cour de justice.